mardi 19 mars 2019

Dessiner au musée?

Un stage au musée des beaux-arts de Lyon le week end dernier m'a inspiré l'article qui suit. On me demande parfois quel intérêt dessiner dans un musée présente-t-il. J'ai passé, et je passe encore, de longues heures à dessiner dans les musées, pour y observer, copier et étudier les œuvres qui y sont exposées. Copier une oeuvre peut simplement être un prétexte pour s'accorder un moment de contemplation.

En quoi, et de quelle façon, la pratique du dessin dans le musée peut-elle nous être profitable et nous faire avancer dans notre expérience personnelle?

Tous les dessins illustrant cet articles ont été réalisés au musée des beaux-arts de Lyon pendant un stage de dessin.

-copier-

Je trouve la copie salutaire quand elle s'inscrit dans le processus d'apprentissage. L'apprentissage des techniques liées au dessin et à la peinture est un temps long, parfois laborieux et décourageant. La copie peut être un moyen pour comprendre l'oeuvre d'un artiste. Il ne suffit pas d'observer un dessin pour comprendre le travail de son auteur. La copie nous invite à observer l'oeuvre dans les moindres détails. Lorsqu'un procédé me plait dans le dessin d'un autre, je vais le copier pour être ensuite capable de le réutiliser dans mes dessins.

Voici un exemple.
Au cours de cette session au musée des beaux-arts de Lyon, nous avons beaucoup travaillé sur les personnages. Pour apprendre à traiter un visage, nous avons recopié les figures dessinées sur des céramiques  grecques. Nous nous sommes appliqués à recopier scrupuleusement nos modèles. Ici, le tracé est clair, et le dessin assez dépouillé. Les drapés et les visages sont stylisés. Les céramistes grecques semblaient tous appliquer une même recette qui évolue progressivement au cours du temps. Ce sont précisément ces recettes que nous essayons d'assimiler.
S'agissant d'un exercice, je n'est ici aucune intention esthétique. En me libérant de cette exigence je m'autorise plus facilement l'erreur, ce qui est indispensable dans l'apprentissage du dessin. Si au cours de l'exercice je ne me sens pas à l'aise avec mon tracé, je n'hésite pas à faire quelques lignes et  cercles afin de libérer mon geste.
A l'instant ou je devient soucieux des qualités esthétiques de mon dessin je sors de l'étude et de  l’expérimentation.


Copier toujours le même artiste ne présenterait pas de grand intérêt. En copier plusieurs va me permettre d'aller chercher chez chacun ce qui m'intéresse pour progressivement  m'esquisser un style personnel. Celui-ci serait la somme de tout ce que j'aurais puisé chez les uns et chez les autres.

J'applique ensuite la "recette grecque" à un autre sujet. Ici je propose le dessin de la statue d'une vierge en majesté du 12ème siècle, puis le profil d'une femme toujours à la manière grecque, en stylisant visages et drapés.


-Le cadre-

Comment cadrer un sujet? La question étant posée, je vais aller chercher les différentes réponses proposées par les artistes. Cela peut être dans la sculpture, la fresque, le vitrail, le dessin, la peinture, l'enluminure... Chaque artiste quel qu'il soit s'est un jour posé cette même question. Plutôt que d'en chercher seul la réponse, je vais consulter les générations qui m'ont précédé.

Ici, j'observe un bas relief. Il s'agit d'un claveau probablement extrait de l'archivolte d'un portail Roman. Je regarde la façon dont s'inscrit la figure dans son cadre. Le jongleur contraint par le cadre en touche les bordures en plusieurs points. Je vois aussi la pointe de son pied droit sortir du cadre. Ces procédés rendent le sujet plus vivant et créent une profondeur. Ce que je vois: Le sujet et son cadre entretiennent un rapport qui est plus qu'un simple rapport contenu/contenant.

Ces observations m'apportent des clés pour mes prochains dessins. J'ai constaté que la figure jouait avec le cadre dans lequel elle s'inscrivait. Quelques croquis rapides sur la façon d'associer le cadre et le sujet me sont inspirés par ces observations. Je les réutiliserai probablement ultérieurement.


Je peux aussi m'exercer à partir d'une peinture. Ici, je propose plusieurs vignettes extraites d'une même vue d'Hubert Robert. Dans mon soucis d'expérimentation, je vais varier les propositions faites pour les cadres. Comme le faisait le jongleur roman que j'ai dessiné précédemment, mes figures vont parfois sortir de leurs cadres.



-Les valeurs-

Recopier un dessin ou une peinture peut être un bon moyen de faire l'expérience des valeurs. Il est parfois difficile de composer un dessin sur le motif , et de le rendre plus lisible par le travail des valeurs. Les choses peuvent vite devenir confuses. Notre regard a vite fait d'être submergé par la foule des informations qui gravitent autour de nous.
Ici, un premier dessin est réalisé d'après une oeuvre de Manet dont je fais une étude de valeur. Je vais regarder de quelle façon l'artiste répartit les masses sombres et claires. Je regarde aussi les rapports établis entre la figure et le fond. J'apprends à associer les noirs aux blancs...



Une seconde étude est ensuite faite à partir d'une peinture de Thomas Couture, qui fut pendant plusieurs années le professeur de Manet. Je commence par une esquisse très simple pour construire mon sujet. Sans trop me soucier cette fois des qualités graphiques, je me concentre sur la recherche des formes. Avec un tracé très léger je vais progressivement me rapprocher de la forme du modèle. Les grandes lignes en place je peux ensuite appuyer mon tracé.



Mon second dessin est plus grand car je souhaite le mener plus loin.

Je peux, après m'être exercé sur des peintures, faire l'expérience des formes à partir d'une sculpture. A partir d'une oeuvre de Maillol je vais progressivement mettre en place les formes avant de faire une étude légère des ombres sur le corps.



"C'est par l'apprentissage des siècles qu'un artiste naît dans l'atelier du monde" L'art et l'artisanat, William Morris

Les œuvres exposées dans les musées doivent aider le peintre et le dessinateur à avancer dans sa recherche personnelle. Il m'arrive régulièrement de me voir refuser l'autorisation de dessiner dans un musée ou une exposition. Prétexte invoqué: "vous gênez le passage". Bien heureusement la plupart des musées( français) restent accueillants et bienveillants à l'égard des dessinateurs. C'est une chance que nous avons de pouvoir disposer de cette matière première pour nourrir notre recherche. Le travail dans le musée est pour moi une étape préalable au dessin sur le motif.

quelques artistes qui m'ont beaucoup inspirés:

Canaletto pour la hachure et l'architecture,
Piranesi pour l'architecture,
Manet pour les portraits,
Tiepolo pour les visages et les lavis,
Bonington pour l'aquarelle,
Natoire pour la végétation,
Guardi pour le paysage et la composition,
H Robert pour la composition et l'architecture,
Ingres pour les corps et les visages,
giraud pour les cadrages et compositions,
etc.

les œuvres auxquelles je fais référence:


"vierge en majesté" 12ème siècle
"Le jongleur" 12ème siècle
Hubert Robert
Edouard Manet
Thomas Couture
 Aristide Maillol